
De la prière à la toile
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette exposition?
Mon œuvre date de 1999, et elle est exposée au temple de Villars depuis l’année dernière. Elle avait déjà été présentée une première fois au même endroit, vers 2004-2005, mais de manière temporaire. Cette fois, elle est prêtée par l’abbatiale de Bellelay pour une durée de cinq ans.
Qu’est-ce qui vous a inspiré à créer cette série de neuf tableaux autour du «Notre Père»?
Une lecture de la philosophe Simone Weil m’a beaucoup inspiré. Son analyse du «Notre Père» résonnait en moi, et j’y ai perçu une structure en trois étages. La première ligne de l’œuvre correspond aux trois premières demandes de la prière qui sont adressées directement au Père. La deuxième ligne correspond aux trois demandes suivantes qui concernent notre relation avec les autres et notre quotidien. Enfin, la troisième ligne correspond à la doxologie, qui est une parole d’adoration à travers les mots-clés: règne, puissance et gloire.
Pourquoi avoir choisi de décliner cette prière en neuf tableaux?
Lorsque je passe du texte à l’image, je recherche toujours la structure sousjacente. Dans la structure du Notre Père, j’ai distingué neuf parties qui sont devenues la base de mes tableaux. Certaines demandes, comme «Que ton nom soit sanctifié », me paraissaient abstraites. Pour la représenter visuellement, j’ai imaginé une coupe qui se remplit, une image intuitive liée à la liturgie, à la passion du Christ, mais aussi au quotidien. C’est un geste simple mais profond.
Comment votre foi ou votre spiritualité ont-elles influencé cette œuvre?
Ma foi et ma spiritualité sont indéniablement présentes. Je ne me serais pas lancé dans ce projet sans un intérêt profond pour la spiritualité. Je lis des textes spirituels et j’ai une pratique quotidienne. Pour moi, l’image peut poser des questions autrement que les mots. C’est souvent par l’image que je comprends les choses. On dit parfois «je vois» pour dire «je comprends», et cela résume bien mon approche.
Avez-vous été influencé par des courants artistiques en particulier?
J’ai toujours été attiré par l’art médiéval. J’aime les perspectives sans point de fuite, typiques de cette période. Cela rend la peinture plus poétique, sans souci de réalisme et j’apprécie cette forme conceptuelle qui touche au monde subtil.
Quels ont été les plus grands défis artistiques lors de cette création?
Je n’ai pas rencontré de difficultés majeures, mais je me souviens du travail sur les fonds. J’ai choisi des fonds sombres et simplifiés, comme des scènes de théâtre, pour mieux mettre en évidence les éléments centraux. Cela évite les distractions et permet de se concentrer sur l’essentiel.
Comment avez-vous choisi les couleurs, les formes et les symboles présents dans les tableaux?
J’ai travaillé avec les trois couleurs primaires et trois formes simples: rectangulaire, ronde et triangulaire. J’ai organisé les couleurs selon des diagonales et les formes selon des lignes verticales. J’ai élaboré des plans précis et des esquisses en amont. Une autre forme de créativité intervient ensuite dans les détails, comme les gestes des personnages. Par exemple, l’olivier est apparu plus tard, une image forte de la vie spirituelle, symbolisant le vide et l’élargissement de la conscience.
Quel message spirituel ou universel espérez-vous transmettre à travers ces tableaux?
Je ne pense pas en termes de message. C’est plutôt une recherche. Mon travail invite à un questionnement. Peut-être que ce que j’ai commencé sera poursuivi par d’autres. Je ne prétends pas résoudre l’énigme du texte, mais je la partage. J’aime dialoguer avec les spectateurs, entendre ce qu’ils perçoivent. Chacun est libre d’y voir son propre cheminement spirituel.
